Accueil > Le travail > La sanction > Le dossier individuel

Le dossier individuel

vendredi 31 mai 2013, par synper

Le dossier individuel, c’est le début de tout. Il résume votre carrière. Sa consultation est la première étape d’une procédure disciplinaire [1]. Contractuels [2] comme agents titulaires ont un dossier individuel et ont le droit de le consulter.

Dans votre dossier individuel, vous devez trouver vos entretiens professionnels ou notations, vos arrêtés de nomination, vos arrêtés de promotion, vos arrêtés de avancement de grade et d’échelon... Bref ! Toute votre vie administrative !

Comment se fait la consultation de mon dossier individuel ?

Sauf positions administratives particulières [3], la consultation du dossier individuel se fait par simple demande à l’employeur. Dans une procédure disciplinaire, la consultation du dossier doit même être proposée à l’agent sous la forme d’un rendez-vous de consultation.

Le droit d’accès et de modification sont garantis :
 au titre de l’article 19 loi n°83-634 du 13 juillet 1983 lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée ;
 au titre de l’article 3 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 dans le cadre de l’accès aux documents administratifs ;
 au titre des articles 38 à 40 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 et de l’article 11 du décret n°2011-675 du 15 juin 2011 lorsque le dossier est informatisé.

La consultation se fait sur place, dans les services en charge de la tenue du dossier. Le dossier individuel peut être sous forme numérique. C’est une possibilité récente ouverte par la loi. Dans ce cas l’agent le consulte devant un écran.

Savez-vous que si vous n’avez pas été mis en position de consulter votre dossier, la procédure disciplinaire prise à votre encontre est illégale ? (En ce sens : CE 201061 201063 201137 du 20 octobre 2000)

Puis-je en avoir une copie ?

Au delà de la consultation sur place, où il vous sera loisible de demander copie partielle ou intégrale du dossier, l’article 4 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 vous permet de demander l’envoie d’une copie du dossier (partielle ou intégrale), sous réserve d’avoir une demande de l’administration du paiement des photocopies faites.
Dans le cas ou le dossier individuel est numérisé, l’administration a l’obligation de vous l’envoyer par courrier électronique et sans frais.

Qu’est-ce qu’il y a dans mon dossier individuel ?

Aucun texte ne précise le contenu exact du dossier administratif que doit tenir la collectivité pour chaque agent. Par contre, il est prévu que les pièces du dossier doivent être enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. Le classement se fait dans l’ordre chronologique. Rien n’interdit de constituer des sous-dossiers thématiques et c’est souvent le cas, ce qui permet de mettre un peu d’ordre dans les pièces concernant le recrutement, la carrière, la rémunération, la formation, la discipline, la cessation de fonction, le dossier médical.

Le non-respect des modalités de classement ne constitue pas un vice de procédure (En ce sens : CE 201061 201063 201137 du 20 octobre 2000).

Ce qui est important de comprendre, c’est que tout ce qui n’est pas lié à votre situation administrative n’a pas à être de votre dossier. Vous pouvez demander le retrait de la pièce litigieuse et l’administration doit vous convoquer à nouveau pour que vous puissiez constater que la pièce a bien été retirée.

Mais saviez-vous que si vous n’êtes pas à même d’y trouver les documents qui devraient y apparaitre et qui vous sont nécessaires pour votre défense, la procédure disciplinaire engagée à votre encontre est nulle ? En ce sens, en 1986 un fonctionnaire a demandé, pour les besoins de sa défense, communication de pièces relatives à sa manière de servir qui auraient dû figurer dans son dossier. On lui a refusé cet accès. Pour cette simple raison, la procédure disciplinaire suivie à son encontre a été reconnu illégale par le juge (CE n°126121 du 30 octobre 1995).

Qu’est-ce qu’il ne doit pas y avoir dans mon dossier ?

Il est interdit à l’administration de faire état, dans le dossier, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques d’un agent [4]. Plus largement, toute critique du fonctionnaire (rapports, lettres de dénonciations...) non suivie d’une procédure disciplinaire doit être retirée du dossier en ce qu’elle n’est plus pertinente dans un dossier individuel [5].

C’est ainsi qu’il a été jugé qu’en s’abstenant, à la suite de la réclamation dont il était saisi, de faire supprimer des feuilles de notation des requérants, une phrase attirant l’attention sur leurs convictions personnelles, un recteur a commis un excès de pouvoir (CE 23276 23277 du 16 juin 1982).

Certaines mesures disciplinaires peuvent être effacées en cas d’amnistie ou de disposition prévue par les textes, comme les sanctions du 1er groupe (blâme et exclusion temporaire de fonction) sont effacées au bout de 3 ans, si aucune sanction n’est intervenue pendant cette période. L’avertissement, quant à lui, ne doit pas figurer au dossier.

Il est essentiel, dans une démarche de consultation de dossier individuel, d’être accompagné d’un représentant du personnel. Vous pouvez même demander au SYNPER d’aller consulter votre dossier pour vous ! Notre représentant n’hésitera pas à demander le retrait des pièces qu’il juge litigieuse. Alors, contactez-nous !


[1Le dossier individuel est présenté ainsi par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors :
Article 18

Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l’intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité.
Il ne peut être fait état dans le dossier d’un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé.
Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi.

Extrait de l’article 19

Le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination.
Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...)

[2ce dossier individuel est reconnu par l’article 37 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 s’appliquant aux contractuels.

[3Attention aux positions particulières :
 pour le fonctionnaire mis à disposition le dossier administratif est géré par la collectivité ou l’établissement d’origine.
 En cas de détachement, même si la collectivité d’origine ou le ministère continue à tenir le dossier individuel de l’agent, la collectivité d’accueil en constitue un autre, mais, pour respecter le principe d’unicité du dossier individuel, cette dernière transmet la partie du dossier qui lui incombe à la collectivité ou au Ministère d’origine. Lorsque le détachement est suivi d’une intégration dans la collectivité d’accueil, la collectivité ou le ministère d’origine lui transmet le dossier.

[4Cette interdiction vise à garantir la liberté d’opinion des agents, consacrée par l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 sur la liberté d’opinion.

[5Sur la notion de durée raisonnable en matière de droit disciplinaire, une question parlementaire éclaire la complexité du sujet :

Question écrite n° 05004 de M. Marcel-Pierre Cléach (Sarthe - UMP) publiée dans le
JO Sénat du 28/02/2013 - page 673

M. Marcel-Pierre Cléach appelle l’attention de Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique sur la notion de durée raisonnable pour l’application d’une sanction à un agent titulaire de la fonction publique. Lorsque l’autorité territoriale d’une commune souhaite infliger une sanction à un agent titulaire de la fonction publique territoriale et saisit à cette fin le conseil de discipline pour avis qui propose une exclusion temporaire de fonction, la question se pose de savoir le délai dont dispose l’autorité territoriale pour mettre en exécution la sanction. Le code du travail encadre le délai entre l’entretien durant lequel on signifie au salarié la sanction dont il est passible et l’application de la sanction elle-même puisque l’article L. 1332 -2 du code du travail dispose que « Lorsque l’employeur envisage de
prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé ». Par contre, le délai dont dispose l’autorité territoriale pour enclencher le processus disciplinaire en convoquant à cet entretienl’agent de la fonction publique semble plus flou. Une première réponse a été donnée par un
arrêt rendu le 13 décembre 2011 (n° 09MA03062) par la Cour administrative d’appel de
Marseille
, « considérant, en deuxième lieu, que si aucun texte n’enferme dans un délai déterminé l’exercice de l’action disciplinaire, ni même ne fait obligation à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire d’engager une telle procédure, il appartient cependant à cette autorité, sauf à méconnaître un principe général du droit disciplinaire, de respecter un délai raisonnable entre le moment où elle a connaissance des faits commis par son agent, susceptible de donner lieu à une sanction disciplinaire, et le moment où elle décide de lui infliger une telle sanction ».
En conséquence, il la remercie de lui indiquer, d’une part, si cette notion de délai raisonnable est aussi encadrée par une date finale butoir et, d’autre part, si ce délai raisonnable est applicable et peut donner lieu à une prescription, lorsque la sanction n’est pas prononcée et donc pas mise en exécution par l’autorité territoriale, plus d’un an après l’avis rendu par le conseil de discipline de première instance.

Réponse du Ministère de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction
publique publiée dans le JO Sénat du 30/05/2013 - page 1662

Dans la fonction publique territoriale, comme dans les deux autres fonctions publiques, aucun texte n’enferme dans un délai déterminé l’exercice de l’action disciplinaire, ni même ne fait obligation à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire d’engager une telle procédure.
Néanmoins, ainsi qu’il ressort de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille en date du 13 décembre 2011, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire doit respecter un délai raisonnable entre le moment où elle a connaissance de faits commis par son agent, susceptibles de donner lieu à sanction disciplinaire, et le moment où elle décide de lui infliger une telle sanction. Si le caractère raisonnable du délai est donc apprécié sous le contrôle éventuel du juge administratif, la fixation d’un délai déterminé supposerait quant à elle une disposition législative. Le Gouvernement envisage l’insertion d’une telle disposition dans le projet de loi relatif à la fonction publique en cours de préparation.